Licenciement des fonctionnaires : Quand Eric Woerth désinforme

Publié le par Syndicat CGT Conseil Général 31

Communiqué de la Fédération CGT des Services publics

Ces derniers jours, Eric Woerth, ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, a développé à plusieurs reprises dans les médias l’idée selon laquelle les dispositions prévues pour les fonctionnaires de l’Etat dans le projet de décret de réorientation professionnelle n’auraient rien de novateur puisque déjà en vigueur dans la Fonction publique territoriale. Eric Woerth estime même que le mécanisme de licenciement existant dans la Fonction publique territoriale en cas de suppression de poste serait bien plus défavorable que celui que le gouvernement entend développer dans la Fonction publique de l’Etat avec son projet de décret.

Cette affirmation ne résiste pas à l’examen des textes en vigueur.

La loi 84-53 portant dispositions statutaires relatives à la Fonction publique territoriale compte en effet, en cas de suppression de poste, de nombreux garde-fous (articles 97 et 97bis) :

 Consultation des représentants du personnel : Un emploi ne peut être supprimé qu’après avis du comité technique paritaire.

 Maintien en surnombre pendant un an et offres prioritaires d’emploi correspondant au grade : Si la collectivité ou l’établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade dans son cadre d’emplois ou, avec son accord, dans un autre cadre d’emplois, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant un an. Pendant cette période, tout emploi créé ou vacant correspondant à son grade dans la collectivité ou l’établissement lui est proposé en priorité ; la collectivité ou l’établissement, la délégation du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et le centre de gestion (CDG) examinent les possibilités de reclassement. Sont également étudiées la possibilité de détachement ou d’intégration directe du fonctionnaire sur un emploi équivalent d’un autre cadre d’emplois au sein de la même collectivité ou de l’établissement, ainsi que les possibilités d’activité dans une autre collectivité ou un autre établissement que celle ou celui d’origine sur un emploi correspondant à son grade ou un emploi équivalent.

 Prise en charge du traitement et pénalisation financière de la collectivité ayant supprimé l’emploi : Au terme de ce délai d’un an, le fonctionnaire est pris en charge par le CDG dans le ressort duquel se trouve la collectivité ou l’établissement, ou par le CNFPT s’il relève de la catégorie A.

Pendant la période de prise en charge, l’intéressé reçoit la rémunération correspondant à l’indice détenu dans son grade et est tenu informé des emplois créés ou déclarés vacants par le centre.

La rémunération fait l’objet d’une compensation versée au CDG ou au CNFPT par la collectivité ayant supprimé l’emploi. Pour les collectivités ou établissements affiliés au CDG, cette contribution est égale pendant les deux premières années à une fois et demie le montant constitué par les traitements bruts versés au fonctionnaire augmentés des cotisations sociales afférentes à ces traitements. Elle est égale à une fois ce montant, pendant la troisième année, et aux trois quarts de ce montant au-delà des trois premières années.

Pour les autres collectivités et établissements, cette contribution est égale, pendant les deux premières années, à deux fois ce montant. Elle est égale à ce montant pendant les deux années suivantes et aux trois quarts du même montant au-delà des quatre premières années.

 Obligation de prise en compte de la situation géographique : La prise en charge cesse après trois refus d’offre d’emploi. Pour l’application de ces dispositions aux fonctionnaires de catégorie C, les emplois proposés doivent se situer dans le département où le fonctionnaire était précédemment employé ou un département limitrophe.

L’offre d’emploi doit être ferme et précise, prenant la forme d’une proposition d’embauche comportant les éléments relatifs à la nature de l’emploi et à la rémunération. Le poste proposé doit correspondre aux fonctions précédemment exercées ou à celles définies dans le statut particulier du cadre d’emplois de l’agent.

 Après trois refus d’offre d’emploi correspondant à son grade, transmise par une collectivité ou un établissement au CNFPT ou au CDG, le fonctionnaire est licencié ou, lorsqu’il peut bénéficier de la jouissance immédiate de ses droits à pension, admis à faire valoir ses droits à la retraite.

En cas de licenciement, les allocations prévues par l’article L. 351-12 du code du travail sont versées par le CNFPT ou par le CDG et sont remboursées par la collectivité ou l’établissement qui employait le fonctionnaire antérieurement.

Avec l’ensemble de ces dispositions, les fonctionnaires territoriaux sont donc loin de se trouver dans une situation comparable à celle prévue pour leurs collègues de l’Etat dans le projet gouvernemental. Ce dernier ne prévoit en effet ni consultation du CTP, ni période de maintien en surnombre pendant un an assortie d’offres d’emploi prioritaires, ni pénalisation financière en cas de suppression de poste, ni obligation réelle de prise en compte de la situation géographique.

Enfin, les règles en vigueur dans la FPT ne prévoient pas la disposition scélérate introduite par le projet de décret stipulant que l’administration puisse placer un agent en disponibilité d’office, c’est-à-dire sans aucun traitement durant une période indéterminée, au motif que « son emploi a vocation à être supprimé dans le cadre de réorganisation ou d’évolution de l’activité du service dans lequel il est affecté ». Durant cette période, l’agent ne perçoit aucune rémunération et ne peut être indemnisé au chômage qu’en cas de refus de trois nouvelles propositions de postes, l’administration n’ayant pas alors pour obligation de tenir compte de la situation personnelle de l’agent.

Les multiples garde-fous en vigueur dans la Fonction publique territoriale expliquent que les licenciements s’y limitent chaque année à de rares cas : ainsi en 2008, le Centre interdépartemental de gestion de la petite Couronne, qui gère les carrières de 150 000 agents territoriaux (9 % des effectifs nationaux), n’a eu à traiter qu’un seul cas de mise en surnombre suite à suppression de poste et 6 cas pour la catégorie englobant la réintégration après disponibilité pour convenance personnelle et le licenciement après trois refus de poste.

Rien de comparable donc aux nombreux cas prévisibles à l’Etat : comment en effet proposer un emploi à un agent quand l’Etat a déjà procédé à plus de 100 000 suppressions de postes depuis 2007 et en prévoit encore plusieurs dizaines de milliers ?

Une fois de plus, Eric Woerth croit bon d’instrumentaliser la Fonction publique territoriale pour s’en prendre à celle de l’Etat.

La Fédération CGT des Services publics condamne ce procédé, comme elle condamne avec fermeté le projet de décret sur la réorientation professionnelle dans la Fonction publique de l’Etat, antichambre d’une remise en cause générale de la garantie de l’emploi pour l’ensemble des fonctionnaires et donc d’un service public égalitaire rendu par des agents préservés des pressions politiques et partisanes.

Montreuil, le 11 février 2010

 

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